Faire voile vers soi

Voilà presque un an que j’arbore ce bout de tissu recouvrant l’ensemble de ma chevelure.

Laissez-moi vous raconter comment mon voile m’a réconcilié avec moi-même.

Apprendre pour comprendre 

L’idée de porter le hijab*  trottait dans ma tête depuis longtemps, sans vraiment pouvoir chiffrer cette période de réflexion. L’envie me prenait, puis s’en allait, comme des vagues le long d’une plage. Mon esprit chassait rapidement l’idée de porter le hijab car je n’y voyais que des contraintes et des challenges, et je me considérais bien trop faible pour les affronter à bras le corps. 

dans un monde où la femme est hypersexualisée et qui tend à être un objet.(…)Le voile devient donc sa liberté

Petit à petit, je réalisais que je ne savais pas réellement pourquoi je voulais le porter. Cet élan de pudeur me gagnait certes, mais sans comprendre le sens profond de cet engagement vis-à-vis de Dieu.

L’envie de comprendre cette obligation divine est donc arrivée naturellement, tout en me disant que plus j’en apprenais sur le sujet et plus ce serait aisé de contrer les remarques que l’on pourrait me faire. J’avais donc à l’esprit de me préparer psychologiquement aux futures attaques que je recevrais, telle une armure que l’on prépare à l’arrivée d’une bataille imminente.

Plus je lisais, me renseignais, interrogeais des sœurs déjà voilées, et plus mon cœur reconnaissait la sagesse derrière ce tout petit bout de tissu. La nécessité de pudeur dans un monde où la femme est hypersexualisée et qui tend à être un objet.

Dieu nous demande de suivre Son commandement, dans le but de nous protéger, nous préserver, nous élever à un rang sans précédent. La femme voilée n’est donc plus un objet de désir, n’importe quel regard ne peut plus voler son intimité. Le voile devient donc sa liberté. Le hijab, et toute la pudeur qu’il englobe, je l’ai compris comme une réelle libération : les dictats de la beauté superficielle que l’on souhaite m’imposer pour être acceptée en société ne sont plus aussi puissants, et perdent même tout leur sens.

Devenu symbole de l’oppression des femmes et de la régression de son statut dans la société, la femme voilée malgré elle semble véhiculer un message oppresseur, réducteur et complètement faux. Je connais énormément de femmes voilées autour de moi, et je n’ai jamais vu de femmes plus vaillantes, résiliantes, intelligentes et fortes. 

À la fin de ce cheminement ma décision était prise. Mais comment l’appliquer ?

Comment faire face à tous les regards interrogateurs ?

Alors que je craignais énormément les réactions autour de moi, je priais tous les jours pour que Dieu me facilite cette étape. Car seul Lui pouvait me libérer de ces chaînes futiles et imaginaires. 

Jusqu’au jour où Dieu exauça mes prières. Je me suis levée un jour, et j’ai décidé de sortir en le portant, juste pour voir.  Je me souviens très bien de ce jour, j’avais un rendez-vous chez le médecin, et sans prévenir personne, j’ai posé sur ma tête ce voile tant redouté et tant désiré et je suis sortie. 

Je ne peux vous expliquer la sensation que cela m’a procurée. Ma sortie a duré très peu de temps, mais en rentrant chez moi, mon cœur était plein de certitude mais surtout de gratitude. Je serai désormais une femme voilée et cela fera partie de qui je suis. Merci ô Le Tout Généreux et Le Tout Miséricordieux. Mon visage était souriant, mon cœur débordait de joie et d’amour pour Mon Seigneur car j’avais réalisé ce que j’imaginais dans mon esprit depuis si longtemps. J’y suis arrivée. 

Mais j’étais encore dans ma bulle. Personne n’était encore au courant, ni ma famille ni mes proches. Et c’est très naturellement que j’ai eu la pressante envie de partager cette magnifique décision avec mon entourage le plus proche. La joie a pu être partagée et racontée. Je fus quelques peu étonnée de voir mes proches être aussi emballés que moi à cette idée. Ils ont pleuré avec moi, ri avec moi et remercié Dieu avec moi. 

Le chemin venait tout juste de commencer. Ma famille et mes proches au courant, il fallait faire face aux collègues, aux voisins, aux commerçants, et même si j’étais la plus heureuse sur terre, je ne peux cacher que j’avais toujours une légère appréhension à l’idée de rencontrer du monde, et de devoir justifier mon acte. Car ne l’oublions pas, je vis dans un pays qui affiche de plus en plus clairement son aversion envers ma foi et particulièrement envers ce petit hijab qui n’est rien d’autre qu’un tissu sur la tête. Que ce soit clair, ma décision, on ne peut plus personnelle et spirituelle, n’est en rien prosélyte, ou revendicatrice. Je ne fais passer aucun message, à part peut-être celui d’une femme épanouie.

Mais, au bout de quelques temps, on comprend enfin  ce que d’autres nous racontent : les regards insistants, moralisateurs, qui te jugent sans te connaître et te dévisagent. 

Comment justifier mon geste et ne pas être jugée uniquement sur mon apparence ? 

Je m’y étais préparée, je m’étais préparée à tous les scénarios, même les agressions verbales et physiques. Quand j’y pense, je me dis qu’on vit vraiment dans une société malade, pour ne pas être étonné de se faire agresser en raison d’un choix vestimentaire. Mais c’est ainsi, il faut garder la tête sur les épaules et quitter cette bulle de confort et de gratitude.  On se prépare au pire, l’islamophobie touche principalement les femmes, et parmi elles principalement les femmes voilées. 

De ce fait, ne pas se préparer à cela aujourd’hui serait presque inconscient.

Je sortais donc avec mon armure en place, et je me suis vite rendu compte d’un phénomène étrange. Je me suis très vite sentie investie d’une mission : celle d’avoir le meilleur comportement possible en dehors des murs de chez moi, encore plus qu’auparavant.

Désormais, les gens m’identifieraient en tant que musulmane, je devenais donc ambassadrice sans m’en rendre compte, et tous mes faits et gestes seraient taxés d’islam même s’ils n’ont rien à voir avec ma foi et tout à avoir avec mon égo et mon orgueil.  

Mon voile ne me définit pas, absolument pas. Je suis et demeure celle que j’étais. Je me suis simplement retrouvée. J’ai retrouvée celle qu’Allah voulait que je sois, pour Lui satisfaire mais également pour me sentir en total harmonie entre corps, âme et esprit. Et quelle douce sensation.

Cela peut paraître incongru, exagéré pour celles qui ne sont pas de ma confession, ou celles qui n’ont pas encore sauté le pas. Mais croyez-moi c’est même plutôt l’inverse. J’ai peu de mots pour vous décrire le bonheur de me sentir libre à travers cette décision. Elle m’appartenait et elle appartenait à Dieu. Et j’ai pris très peu de décisions dans ma vie qui peuvent prétendre à cette exclusivité. 

l’islam et le voile ne m’ont pas aliéné

Je demeure celle que je suis, avec mes péchés et mes défauts ; mes erreurs et mes travers.

Je ne veux surtout pas qu’on juge l’islam basé sur ce que je fais ou ce que je suis, ce serait tellement injuste envers Lui. Je continuerai à faire des erreurs, mais j’apprends. Pardonnez-moi donc… Je ne suis ni un modèle, ni un exemple et je ne parle qu’en mon nom.

Ce témoignage ne vaut que pour ma petite personne et n’est donc nullement transposable aux autres sœurs voilées. 

Je voulais simplement apporter un éclaircissement pour tous mes concitoyens : l’islam et le voile ne m’ont pas aliéné, au contraire, ils m’ont libéré. Ils m’ont redonné ma liberté de choisir pour moi et uniquement pour moi le bonheur et la sérénité. Personne ne m’a forcé, bien au contraire, on a souvent essayé de me dissuader, me disant que c’était aujourd’hui dangereux de le porter car on devenait instantanément une cible pour les fous racistes.

Mais cette haine ne doit jamais l’emporter, et ce pour aucune décision à prendre dans sa vie. L’amour doit toujours dominer. Et c’est l’amour que j’ai choisi en revêtant ce voile.

c’est l’amour que j’ai choisi en revêtant ce voile.

 

• * ^{voile, foulard}