Refuser un challenge ? trop peu pour moi
Je ne me voyais pas refuser le challenge proposé par Niya Magazine…. Écrire mon histoire; ne vous attendez pas à un roman palpitant (quoi que…) ou à la biographie de Nelson Mandela, mais simplement les hauts et les bas que peut vivre un converti.
Le moment d’y voir plus claire, faisons place au point I) La présentation
D’origine Française, je travaille dans le milieu bancaire, issue d’une famille athée, et élevé en tant que tel, je n’ai jamais vraiment baigné dans la religion ; ah si, lors des cours de catéchisme de mon école quand j’avais 7-8 ans, autant vous dire que c’était comme essayer de lécher son coude avec sa langue…. Ne me dite pas que vous avez essayé ? c’est impossible !
De tout temps, je n’ai jamais fait de différenciation entre les gens, pour moi nous sommes tous égaux, quelles que soit les origines, la religion, la culture, le niveau social… Nous avons tellement à apprendre des uns et des autres, c’est ce qui fait la beauté du monde multiculturel dans lequel nous vivons. Ce qui m’a permis d’ouvrir mon esprit et ma vision aux travers de mes rencontres et voyages. Je me nourris continuellement des différents codes culturels, en essayant de ne garder que le meilleur. Pour au final mélanger le tout, et obtenir ma recette de vie.
Jusqu’ici, rien de bien spécial, faisons une avance rapide jusqu’au point II) La découverte
J’ai 18 ans, nouveau départ, la Fac. Nouvelle ville, nouvelle étude, nouvelle rencontre… Bref pleins de nouvelles choses. Au fil du temps, j’ai noué des amitiés avec des personnes de communautés diverses et variées mais qui, pour la plupart, avaient le même dénominateur commun, l’Islam. J’ai donc commencé à découvrir cette religion aux travers de mes amis.
En premier lieu, j’ai pu assister à mes premiers ramadan (encore en tant que spectateur, sauf pour manger 😉 ). Mes souvenirs les plus marquants, étaient les moments de rupture du jeûne, pour résumer en un seul mot, magnifique. La communion, le partage, la convivialité, la bienveillance, car remettons les choses dans leur contexte. Nous étions étudiants, dans nos logements de 9 à 20m², les occasions de se réunir n’étaient pas forcément nombreuses, le contraste était donc vivifiant ; surtout pour quelqu’un qui comme moi, qui n’avait jamais vécu de tels instants.
Dans un second temps, au fur et à mesure, je commençais à avoir un meilleur aperçu de l’Islam (parce que si je devais me contenter des informations à la télévision…. Oui je vous vois hocher de la tête, on est d’accord), mais j’étais encore loin d’imaginer un jour me reconvertir. Pourtant, je garde en mémoire les propos d’un ami, qui m’avait dit « un jour tu seras musulman inchallah», en m’expliquant les X ou Y raisons, du fait de mon comportement, ma manière de penser, d’agir, d’être en général ; je n’oublierais jamais cet instant.
J’ai 22ans, je fais la rencontre qui va changer ma vie.
Le moment que vous attendez tous, le point III) Le déclic
J’ai 22ans, je fais la rencontre qui va changer ma vie. Elle (oui forcément mesdames, c’est vous qui changez nos vies) est sénégalaise, musulmane et étudie en France. Comme vous vous en doutez, la question de la religion entre en jeu, car afin de sceller notre union, il fallait que je sois musulman. Je vous vois venir, « il va se reconvertir pour les mauvaises raisons », on y reviendra plus tard…
J’ai 24 ans, deux années se sont écoulées. Pendant ce temps, j’ai lu, j’ai beaucoup lu, j’ai appris, je me suis documenté, je voulais le faire seul afin de faire mon propre jugement. Si je suis amené à embrasser l’islam, je veux que ça soit pour les bonnes raisons, et surtout par conviction. Autant vous dire que ma première lecture du Coran fut difficile, pour un néophyte cela peut être déroutant. Malgré tout, beaucoup de versets me touchent, me donne une nouvelle vision, une nouvelle compréhension.
Au fil du temps, je conçois les choses autrement, tout me paraît plus clair, aucun système ne détient de code aussi complet que l’Islam, je prends conscience de ma foi. J’ouvre pour la première fois réellement les yeux, car si j’ai bien compris une chose c’est qu’on ne voit pas pour croire, on croit pour voir.
Le moment de vérité, le point IV) La reconversion
J’ai 25ans, j’ai appris à faire la prière et pour la première fois de ma vie je vais dans une mosquée. Je ne saurai comment vous décrire exactement cette sensation ressentie, mais pour faire simple, beaucoup d’émotions. Ce n’est pas un moment simple, car les premières fois, on ne connait pas tous les codes (on peut avoir vu tous les tutos youtube, rien ne remplace la réalité). La nature humaine fait, que quand nous ne sommes pas à l’aise avec les us et coutumes, notre impression dominante est que tout le monde nous observe. Mais ceci disparaît vite au moment de l’Adhan, et les premières paroles de l’Imam. La Surat Al-Fatiha n’avait jamais sonné aussi juste et mélodieusement pour mes oreilles, j’en avais des frissons.
Je me sentais enfin prêt à intégrer la communauté musulmane. Mais avant, afin de bien mener ma nouvelle vie, je me devais d’expliquer à mes parents ma démarche spirituelle. Ça n’a pas été un moment simple, autant pour eux que pour moi. Je vous laisse imaginer les premières pensées qu’ils ont dû avoir, au vue de la médiatisation de l’Islam en France et de leur méconnaissance religieuse. Il m’a fallu trouver les mots afin de ne pas les heurter, et leur expliquer que je resterai la même personne. Fort heureusement, mes parents sont des personnes intelligentes et ouvertes d’esprit, et par-dessus tout, ils me font confiance. A l’heure d’aujourd’hui, ils ont accepté et n’ont plus d’appréhension vis-à-vis de ma religion, et je suis toujours leur fils préféré (je n’ai qu’une sœur ;-)).
Le jour de ma reconversion, à la fin de la prière, entouré de quelques frères et de l’imam, j’ai récité la Chahada. C’était un moment particulier, j’ai souvenir d’une personne présente avec les larmes aux yeux, sa réaction m’avait touché. A partir de ce moment, Il n’appartenait qu’à moi, d’aborder jour après jour cette nouvelle responsabilité, avec un bon comportement ; je suis musulman.
prouver que j’avais embrassé l’islam non pas pour elle mais grâce à elle.
Le moment de difficulté, le point V) Le choc
J’ai 26ans, mon souhait le plus cher est de demander la main de la femme que j’aime. Mais se dresse un problème, sa famille. Cette dernière est contre notre union, Ils ne voyaient pas d’un bon œil l’arrivée d’un « blanc ». En effet, je me suis confronté à des idéologies qui m’ont dépassé. Pour eux, leur fille devait être avec un sénégalais, de telle ethnie, de telle caste, et évidemment musulman (mais apparemment derrière tous les autres critères !). A aucun moment, ils ne se sont souciés du bien-être de leur fille. Car l’envoyer étudier et vivre en France, puis s’étonner qu’elle puisse avoir une double culture et qu’elle ne marchera pas forcément dans leurs traces ; ceci relève pour moi d’un comportement égoïste. Nous menons donc notre combat, je décide de partir à Dakar afin de pouvoir m’expliquer avec sa famille. Mais une fois là-bas, ils ne daignent même pas me rencontrer, je vis une terrible désillusion.
Au cours de cette année, elle dû mettre un terme à notre relation, la pression familiale était trop forte. C’est une épreuve que je ne souhaite à personne, de loin la plus dure que j’ai vécu ; une sorte de Roméo et Juliette des temps modernes. Je passe par toutes les étapes du deuil : choc, déni, colère, peur, tristesse.
Durant mes prières, je pose sans cesse la même question : pourquoi ?
Le moment d’avancer, le point VI) L’acceptation
J’ai 28ans, je me relève tant bien que mal d’une décision qui a été prise sur ma propre en vie, mais dans laquelle je n’étais qu’un simple spectateur. Ma remise en question fut longue, à me demander si je suis quelqu’un de bien ? Pourquoi moi ? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? etc…
Même si je ne suis pas totalement guéri, je comprends enfin le sens du déchirement que j’ai vécu. Car pendant ces 2 années ma foi avait été mise à rude épreuve, mais elle en est ressortie grandi. Je m’étais reconverti, mais était-ce pour la bonne raison ? (cf point III), c’était donc mon épreuve de prouver que j’avais embrassé l’islam non pas pour elle mais grâce à elle.
J’ai 30ans, j’ai toujours cette cicatrice. Elle ne me fait plus mal, elle sera présente toute ma vie, mais elle ne m’empêchera plus d’avancer.
Le moment de conclure
Aujourd’hui, j’ai 32ans, La plus belle chose qui me soit arrivé est ma reconversion. Je me sens enfin vraiment moi-même, et en total accord avec mes convictions.
Personnellement la seule réelle difficulté que j’ai rencontrée, est sur le plan amoureux. En effet, malgré le fait que je sois musulman, ma couleur et mon origine reste apparemment un problème. Il est triste de constater que ces détails passent avant la religion.
Par ailleurs ces désagréments m’ont fait comprendre que la foi est précieuse, qu’elle s’élève et se mérite. L’islam est le don le plus inestimable que j’ai reçu.
Qu’Allah nous guide et nous préserve.
On a toujours dit de moi que j’étais Niya (Naïve) et c’est sûrement très vrai, mais pour moi cela a toujours sonné comme un compliment.
Rêveuse et déterminée, je souhaite que la parole de toutes les femmes soit entendue et partagée. C’est pourquoi Niya magazine a donc été une évidence.
Passionnée par les voyages, la déco ou encore la mode, j’ai le désir de partager avec vous mes passions et j’en attends de même de vous.
Amine ajma3in.
Merci pour ce témoignage très personnel et touchant.
C’est malheureusement toujours compliqué au niveau des unions avec les familles alors que ça ne devrait pas.
Allah yehdina ajma3in
Magnifique témoignage et très belle plume.
Espérons incha Allah qu’avec les générations futures, la diversité soit vu comme un cadeau et non un obstacle.