“L’hypocrisie, toujours la même.” Cédric Herrou, agriculteur français de la région de Breil-sur-Roya, n’a pas caché son étonnement face aux différents niveaux de solidarité observés en matière d’accueil des réfugiés. Ce sont plus de 4 millions d’Ukrainiens, selon un dernier décompte du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) qui ont quitté leur pays depuis le début des bombardements russes le 24 février dernier.
De nombreux pays européens ont alors appelé à une mobilisation collective pour assurer un bon accueil aux réfugiés Ukrainiens. Mais derrière cet élan de solidarité, certaines voix s’élèvent pour dénoncer ce sursaut de bienveillance et d’héroïsme.
S’il faut se réjouir que l’accueil des réfugiés Ukrainiens fasse l’objet d’un tel consensus, on peut rétrospectivement s’interroger sur les raisons qui motivaient en 2015 une plus grande retenue face à l’afflux de réfugiés qui fuyaient aussi des zones de guerre, la Syrie et l’Afghanistan principalement. D’ailleurs, à l’époque, on ne les appelait pas « réfugiés », on disait « migrants ».
Réfugiés d’Ukraine et migrants du Moyen-Orient : un traitement médiatique différent
Les internautes l’ont relevé sur les réseaux sociaux, les réfugiés Ukrainiens et les migrants du Moyen-Orient n’ont pas droit au même traitement dans les médias. Et ce, qu’il s’agisse des propos tenus par Jean-Louis Bourlanges, Philippe Corbé, Olivier Truchot, Kelly Cobiella ou encore David Sakvarelidze, mais aussi des titres de l’actualité. Quand on parle des Ukrainiens, on peut lire les mots “accueil” ou encore “nouvelle vie”. Lorsque l’on parle des Afghans, des Syriens ou encore des Libanais, on va trouver des termes comme “barricade” ou “crise”.
Après plus de 2 mois de guerre, 15 000 réfugiés Ukrainiens sont arrivés en France selon Gérald Darmanin. Un nombre qui reste encore flou aujourd’hui. Cette vague migratoire qui sensibilise le monde entier, et notamment toute l’Europe, a fini par dévoiler une certaine différence de traitement dans l’accueil des réfugiés et migrants en France.
Les propos du Président sur l’accueil des migrants Afghans et des réfugiés Ukrainiens
Il a été dénoncé une certaine inégalité entre réfugiés et cela depuis le début de la guerre Russo-Ukrainienne. Amnesty International évoque le manque d’exemplarité de la France sur l’accueil des migrants, l’organisation condamne fermement le traitement différencié des migrants en fonction de leur nationalité.
En comparaison, l’Etat français a mis en place au moins 100 000 places pour accueillir les réfugiés Ukrainiens alors qu’en août dernier le Président de la République, Emmanuel Macron avait déclaré « anticiper et se protéger contre des flux migratoires irréguliers importants » suite à l’arrivée de migrants de pays en guerre comme la Syrie ou encore l’Afghanistan.
Pour faire simple, depuis le début de la guerre Russo-ukrainienne et la vague massive de réfugiés Ukrainiens en direction de la France, la protection temporaire a été facilement validée par l’Union Européenne contrairement à celle demandée pour les Afghans l’an dernier. Une inégalité de plus en plus dénoncée.
En août 2021, lors de son discours sur l’accueil de réfugiés afghans, Emmanuel Macron a tenu des propos qui paraissent indignes selon certains députés et associations. S’inquiétant d’éventuels « flux migratoires irréguliers » en provenance d’Afghanistan après la prise de pouvoir des talibans dans le pays.
Ces propos ont fait réagir notamment le député écologiste (ex-La République en marche) Matthieu Orphelin qui l’a accusé d’entretenir une « confusion entre asile et immigration irrégulière ». Le candidat à la primaire écologiste Yannick Jadot s’est dit « sidéré » d’entendre « que les femmes, les hommes et les enfants qui fuient l’enfer des talibans sont d’abord une menace », et le maire de Grenoble, Eric Piolle (Europe Ecologie-Les Verts), a estimé que « Macron fait honte à la France ».
Même indignation chez les députés de La France insoumise, où Adrien Quatennens a accusé le chef de l’Etat de « rabougrir la France », tandis que Clémentine Autain et Eric Coquerel dénoncent une réponse « sordide ». Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, a affirmé que « les personnes qui fuient la guerre, l’oppression et la mort » n’étaient pas « des flux migratoires irréguliers ». Utopia56, qui dénonce régulièrement le traitement des demandeurs d’asile à Calais, a elle exhorté à « construire un accueil digne ».
Aujourd’hui, La France est jugée « peu exemplaire » face à cette différence de traitement. Pourtant, la France fait partie des pays de l’Europe qui aide le plus les réfugiés ukrainiens.
Emmanuel Macron a affirmé, lors d’une allocution début mars que “la France prendra sa part en accueillant les enfants forcés à l’exil” venant d’Ukraine mais également “remercier les associations, les citoyens, les villes et villages qui se mobilisent déjà ». Le président de la République affirme également “s’organiser et prendre soin de celles et ceux qui rejoignent notre sol pour être protégés ».
Un discours plus sensible et plus humain que ses propos sur la crise migratoire de l’année dernière.
SOS Racisme : “Le pire que l’on puisse faire, c’est de mettre en concurrence les souffrances.”
De cet élan de solidarité sans précédent pour la population Ukrainienne, le collectif SOS Racisme entrevoit une perspective de changement sur le long terme en matière de traitement des réfugiés :
Dans les faits, cette mobilisation sans précédent montre la capacité de la France à accueillir. Une capacité qui permet d’élargir le champ des possibles selon Catherine Haguenau-Moizard, professeure de droit public à l’Université de Strasbourg : “On a prouvé qu’on était capable d’organiser l’accueil en urgence. Il va falloir qu’on prouve qu’on est capable d’accueillir sur la durée des millions de personnes. Je ne dis pas qu’on n’en est pas capable. J’espère qu’on le fera. Quand on veut accueillir 1 million, 2 millions, 3 millions de personnes, on y arrive”.
Une évolution positive également espérée par Cédric Herrou, agriculteur français de la région de Breil-sur-Roya : “Pour nous c’est bénéfique. Il ne faut pas qu’on le voit comme une sorte de compétition ou de concurrence. Il y a des gens de l’extrême droite comme le maire de Bézier qui sont revenus sur leur position en termes d’immigration. C’est un combat gagné pour nous”.
Toujours est-il que les associations convergent vers une même revendication : que la guerre en Ukraine marque une nouvelle ère en matière de droit d’asile et d’accueil des réfugiés. Nous pourrions penser que la recherche de la paix est globalement universelle. Mais finalement même dans la paix il semblerait qu’il y ait eux et qu’il y ait nous.
Si cet article vous a plu, retrouvez l’enquête complète réalisée par Aurélie Bouhaddi, Melina DeChasteauneuf, Cécile Fischer, Mathilde Goussebaire et Lison Ricq en format PDF. Au programme, interviews, témoignages et droit international.
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Honnête, sans tabou et grande passionnée d’apéros entre amis. En quelques mots, voilà comment je me décrirais. Beaucoup d’Anthropologie, un peu de communication et aujourd’hui du journalisme, je suis Lison Ricq, étudiante. Féministe aguerrie, j’ai l’ambition de partager et de porter la parole des femmes dans leurs ressemblances comme dans leurs différences. Passionnée par les différentes cultures de notre monde, c’est selon moi dans la diversité que nous nous révélons.